jeudi 2 janvier 2014

Adieu l'année 1913 ... Vive 1914 (récit n°8)

Almanach 1913
A mes lectrices et à mes lecteurs,  j'adresse mes meilleurs vœux pour la nouvelle année. 
Et oui, c'est déjà reparti comme en 14 !

Almanach P et T 1914




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André est à Brest le mardi 31 décembre, son livre de solde le certifie, il reçoit, ce jour là, un acompte de 5 francs.

Mais revenons quelques jours auparavant, pour vous conter à l'occasion du passage de l'année 13 à la nouvelle année 14, le récit suivant :

A Brest, vent d’Ouest sur une peau de vache (récit n°8)

Jeudi 26 décembre 1913 - 11h45 – A bord du Paris – Brest …
Extrait de l'album de Blain (1)

Dans son compartiment, André a le bourdon, et il n’arrive pas à se débarrasser de cette mélancolie qui l’accompagne depuis son départ du Lude. D’habitude, ce sentiment n’est que passager,  mais là, cela semble tenace. 





"Une jolie fleur sur  une..."
Ce qui le taraude, c’est de retrouver les corvées et les humiliations quotidiennes de cette peau de vache d’officier marinier instructeur. Des patrons durs à la tâche, il en a déjà connu quelques-uns lors de son compagnonnage, mais un abruti de cette trempe, c’est le premier. Lui et ses compagnons d’escouade devront l’endurer encore un long mois, avant de partir pour leurs affectations respectives.
La saveur des tartines de rillettes qu’il mange pourtant de bon appétit, n’y peut rien, André  rumine toujours.




musée du jouets 14-18 à Wambrechies
Quand tout à coup, après avoir chassé d’un geste énergique les miettes de pain qui trainaient sur son pantalon, une idée géniale lui traversa l’esprit : J’ai trouvé, pense-t-il, cet instructeur à la noix, a une faiblesse. Il a été repéré à plusieurs reprises dans le quartier des filles de joie … 

André a un plan. Dès son arrivée au 2ème dépôt, il le testera auprès de Popeye et de Gaspard (2). Soulagé et heureux de cette trouvaille, il passe rapidement de l’état de veille au repos grâce à un petit roupillon salvateur.

Quelques heures plus-tard, arrivée en gare de Brest …

clin d’œil à l'album de Blain (1)
Avec son baluchon, il arpente les rues animées du quartier de la gare pour rejoindre la rue de Siam, d’où il aperçoit rapidement l’immense port militaire qui lui est maintenant familier. Puis, il gagne à grandes enjambées le quartier de la Recouvrance. Il sera dans quelques minutes aux portes de son pénitencier.

En soirée, au foyer du dépôt …

La grande salle du réfectoire se prête mal aux confidences : trop de bruit et trop d’oreilles indiscrètes. Le foyer fera l’affaire. Gaspard et Popeye (2) sont tout ouïe pour écouter leur ami leur livrer son plan. Ils tombent vite d’accord : l'agitation de la nuit du 31 décembre paraît tout à fait adaptée pour fomenter leur coup pendable.

Ce qui fut dit fut fait.

L'officier sort ...(1)
Le soir du 31, une permission exceptionnelle est autorisée jusqu’à 1h30 du matin.
A l’heure H, l’officier peau de vache - appelons-le comme cela, faute de mieux - sort du dépôt comme à son habitude pour rejoindre sa dame préférée. 


Nos trois complices n’ont pas besoin de le suivre, ils connaissent comme leur poche le lieu du rencart. Le plan est parfaitement minuté, ils ont soigneusement évalué le moment du repos du guerrier. 

La montre de Gaspard
Gaspard, montre en main, donne le top départ. A l’heure dite, nos trois amis sont aux pieds de la maison aux fenêtres closes.






 
André est tout désigné pour grimper l’escalier et se faufiler à pas de velours dans la pièce de luxure plongée dans le noir. Il doit en quelques secondes, repérer où sont posés les effets de la peau de vache, les saisir et, surtout, ne pas oublier les souliers et le caleçon, comme le lui a précisé Popeye, avant qu’il ne s’engouffre dans l’escalier.
André n’a pas le temps de s’attendrir devant le couple enlacé. Il a le geste sûr, il n’est plus l’apprenti, il a déjà acquis le sang froid nécessaire pour ce type d’opération commando, digne d’un futur fusilier marin.
La trotteuse de la montre de Gaspard n’a pas eu le temps de faire deux tours de cadran, qu’André est déjà aux côtés de ses deux complices, les mains chargées d’un présent digne de ceux des rois mages.

vue du bassin où ont été jetés les habits ...
En cette nuit de la Saint Sylvestre, nos trois petits cochons viennent de faire un sacré tour au loup ! Mais ce n’est pas terminé. Comme bouquet final, il s’agit de jeter les effets du loup peau de vache dans le port de Brest après avoir bien évidemment rempli toutes les poches des ses vêtements de gros cailloux préalablement et minutieusement choisis.

A 1h30 pétante, nos trois amis (raux) sont de retour au 2ème dépôt.

Je vous aurais bien raconté la suite, mais hélas mon grand-père ne l’a pas narré à sa fille. Quant à moi, j’étais trop jeune, malgré mes lectures d’Hergé, je n’avais pas assimilé la science de l’à-propos et du questionnement de son héros. Pourtant, j’aimais ses repas familiaux où toutes ces histoires - dont je ne comprenais pas encore toutes les subtilités - étaient racontées dans la bonne humeur …

Ces trois- là, ressemblent à nos 3 gaillards fêtant leur forfait

Imaginons : le lendemain 1er janvier, nos 3 complices se promènent, l'air de rien, dans la cour du dépôt ...

PS : l’histoire racontée de nombreuses fois se situe bien à Brest durant la période d’apprentissage, soit avant fin janvier 1914. Pour les besoins du récit, je situe la scène le 31 décembre 1913 et je choisis arbitrairement les deux complices.
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(1) Vignettes extraites des pages publiées sur internet pour la promotion de l'album de BD de Blain intitulé : "Le réducteur de vitesse", album, dont je vous conseille la lecture. 

(2) Vous pouvez retrouver "LA GOULE" (visage en sarthois) de nos 3 complices en lisant le récit précédent n°7.
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A mes lectrices et à mes lecteurs, j'adresse mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.
Et oui, c'est déjà reparti comme en 14 ! 
Au plaisir de vous retrouver tout au long de l'année 14 sur ce blog : http://benoitguittet.blogspot.fr/

Ben GuyT