Octobre 1915, un dimanche soir de permission à Brest.
En sortant du Pathé Omnia de la rue de Siam, André tombe nez
à nez sur Prosper Roiné (récit n°23), une vieille connaissance du Jules Ferry. Cela fait
exactement un an, qu’André avait accompagné son copain sarthois à la coupée du
cuirassé au moment où celui-ci quittait le navire pour rejoindre Toulon dans
l’attente d’une nouvelle affectation (récit n°21).
Qu’importe l’agitation de la rue et le crachin breton qui
mouille leurs pompons, rien ne pourrait arrêter les échanges fraternels de nos
deux compères : battements de bras et
tapes amicales accompagnent leurs explications.
Il faut se souvenir que nos deux sarthois, dès janvier 1914, ont fait leur classe à bord du même croiseur cuirassé, le Jules Ferry (récit n°10 à 15).
C’est ensemble qu’ils ont prêté serment en rade de Toulon,
le 3 août 14 au matin, sur le pont du navire de guerre où sont réunis, à
l’appel du Commandant Cuxac, les 900 marins et officiers (récit n°18).
C’est ensemble qu’ils ont participé, aux côtés des trois
escadres de la
Méditerranée, à la course aux fameux croiseurs allemands, le
Breslau et le Goeben (récit n°19). Dans une lettre à sa sœur, Prosper y relate
l’aventure : « Le Commandant du
bord nous avait appelés avant 9 heures pour nous dire de filer à une bonne
vitesse sur Alger, afin de barrer le passage aux croiseurs ennemis ; mais
nous avons perdu leurs traces. » (1)
Le 19 septembre, c’est encore ensemble dans les eaux de
l’Adriatique qu’ils ont vécu, en mer, leur baptême du feu. Durant le blocus de Cattaro
(port autrichien sur la côte dalmate), le Jules Ferry a essuyé les tirs des
canons austro-hongrois : « Cela
tonnait comme il faut et les obus ennemis nous passaient par-dessus la tête où
ils tombaient tous à l’eau. Le Patrie en a reçu un dans le flanc ; nous
autres, nous avons ramassé deux éclats sur le milieu du pont. », écrit
Prosper, et d’ajouter fièrement : « Le
Commandant nous a félicités pour notre courage, on pouvait tous écrire chez
nous que nous avions eu de la veine de ne pas avoir sauté sur une des mines qui
protègent Cattaro… » (1)
Nos deux compères, rejoignent ensemble les bâtiments du 2ème
dépôt où sont attendus les permissionnaires du jour (récit n°5 à 9).
C’est au foyer, quelques jours plus tard, qu’ils poursuivent
leur conversation.
André y apprend que Prosper revient de Belgique tout au Nord
du front occidental, lieu héroïque, où durant l’automne 1914, 6500 fusiliers
marins de la brigade du même nom ont résisté vaillamment aux assauts répétés de
l’artillerie et de 40 000 soldats allemands.
-
« Tu t’es porté volontaire ? » questionne
André.
-
« Non, je n’ai pas mis mon nom sur la liste qui
circulait à Toulon en décembre, mais puisque le sort a voulu que je parte, je
suis parti ! » répond Prosper (1).
C’est le 12 mai 1915, que Prosper rejoint Les Demoiselles à pompons rouges, surnom
des célèbres fusiliers marins de la
Brigade de l’Amiral Ronarc’h.
Ronarc'h de 3/4 de face présente au ministre Lacaze ses fusillers marins de Dixmude qui sont décorés, décembre 1915 (source : wikipedia) |
André est très curieux de connaître tous les détails du
passage de Prosper chez les fusiliers marins de l’Yser. A coup sûr, la côte
belge devrait être sa future affectation.
La suite de ce récit sera publiée rapidement
Pour connaître les exploits des fusiliers marins sur le front belge à l'automne 14, je vous recommande la lecture de cet ouvrage.
(1) extraits de lettres de Prosper Roiné adressées à sa sœur Juliette (lettres retrouvées grâce à la publication de l'ouvrage d'Almire Belin "Livre d'or des saboliens tombés au champ d'honneur" édité en 1921 et réédité en 2015).
Prosper Roiné est mon grand-oncle côté paternel qui a disparu en mer le 8 décembre 1917 à bord du Bouclier au large de Boulogne-sur-mer. Durant mes recherches j'ai constaté - à ma grande surprise et avec beaucoup d’émotion - qu'il avait croisé auparavant plusieurs fois mon grand-père côté maternel, André Hureau, à qui je consacre ce blog. Ils ont navigué ensemble sur le Jules Ferry en 1914, se sont retrouvés à Brest entre deux affectations en 1915 et une seconde et dernière fois en juin 1917. Depuis peu, Prosper est inscrit au Monument National des marins morts pour la France. Ouest-France y a consacré un article, pour en savoir plus : voir le récit n°23 ou sur le site de Ouest-France. |
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