mardi 17 mars 2015

Il y a 100 ans, le 18 mars 1915, le croiseur Le BOUVET disparaissait et, avec lui, 648 officiers et marins... (récit n°20)


André, mon grand-père, a peut-être croisé quelques uns de ces marins au hasard de ces rencontres : dans le foyer du 2ème dépôt de Brest, dans une chambrée du 5ème dépôt, sur le quai Kronstadt ou encore dans les rues chaudes du vieux Toulon ou de la Valette ?

Un sarthois figure dans la liste des victimes, il était maître d'hôtel sur le BOUVET : Georges NAVEAU avait le même âge qu'André. Georges a-t-il été un de ses partenaire dans une partie de trut 

(voir lien Trut  et également les récits précédents) 

L'association  Aux Marins rendra un hommage à l'ensemble des marins morts en 1915, mors du week-end du 14 mai au 17 mai : 

http://auxmarins.net/welcome.html

En leur mémoire, le blog André Hureau ouvre ses pages aux Marins du BOUVET ...



Le BOUVET photographié de la passerelle d'autre bâtiment

En ce mois de mars 1915, nous sommes dans le détroit des Dardanelles au large de la Turquie...

Nous sommes dans les Dardanelles en mars 1915




Le Bouvet faisait partie de l'escadre expédiée par la France dans la bataille des Dardanelles, sous le commandement de l'amiral Guépratte. Le 18 mars 1915, l'amiral britannique John de Robeck lance une attaque conjuguée contre les bastions de Turquie défendant le détroit des Dardanelles et le Bouvet était un des quatre cuirassés français constituant la seconde ligne.

Les navires anglais, au centre du dispositif, cherchaient à localiser et détruire les batteries côtières turques. Ils étaient flanqués, à gauche, du Gaulois et du Charlemagne et, à droite, du Bouvet et du Suffren.






Le BOUVET, en compagnie de l'escadre anglaise, bombarde depuis plusieurs jours les batteries turcs...




Le Bouvet était un cuirassé de génération pré-Dreadnought  (1), lancé en 1896 à Lorient.


Son gros point faible, comme pour tous les cuirassés français de cette époque, se situait au-dessous de la flottaison. Le compartimentage de la coque était insuffisant et surtout mal conçu et mal disposé. Ces cuirassés furent qualifiés de « chavirables » par le grand ingénieur des constructions navales et du Génie maritime Émile Bertin qui dénonça cette erreur, mais qui ne fut pas écouté par le Conseil des Travaux. L'eau pénétra rapidement dans les cheminées.

En fin de matinée le BOUVET reçut 8 impacts de l'artillerie turque qui ne lui causèrent que des dommages légers.

Sa tourelle de 305 mm située à l'avant fut mise hors d'état de tirer après 6 coups, par suite de l'asphyxie de ses servants, conséquence de la mise hors service accidentelle de l'écouvillonnage pneumatique prévu pour chasser les gaz délétères dans le tube du canon après le tir. Lorsque l'amiral de Robeck donna l'ordre de la retraite, le Bouvet heurta, quelques instants plus tard, dans la baie d'Erin Keui, une mine qui était restée indécelée jusqu'alors. Il s'agissait probablement d'une mine mouillée dans la nuit du 7 au 8 mars par le torpilleur turc Nousret.

À 13 h 58, la mine toucha le cuirassé au centre à tribord, sous la ligne de flottaison au niveau de la tourelle de 274 mm. Une énorme explosion causa une profonde voie d'eau qui envahit une vaste zone des machines du navire. Le navire se coucha très rapidement, en particulier du fait d'une conception erronée du compartimentage de la coque, typique des cuirassés conçus en France à cette époque.

A 13h58...


Après s'être couché, le BOUVET mis moins d'une minute pour couler ... Les hommes des autres navires, observent avec effroi le naufrage et la disparition de leurs camarades ... Un marin photographe Anglais - à moins que se soit un Turc - a juste le temps de prendre deux photos...



"Tout à coup, le BOUVET s'incline de 90° sur tribord et coule, l'arrière en premier, en moins de deux minutes. Le chavirement a duré moins d'une minute, et pourtant les armements des tourelles de bâbord, le personnel de blockhaus, de la tourelle avant et de la sécurité arrière ont eu le temps d'évacuer ..." Le cuirassé coulait, emportant avec lui la plus grande partie de ses quelque 700 hommes d'équipage. Quelques-uns furent sauvés par une vedette du Prince George croisant à proximité immédiate. 

Le radio du bord, notamment, fut arraché inconscient à son poste et ne se réveilla qu'une fois repêché, ne gardant aucun souvenir des événements. Le personnel de la tourelle avant, qui était sorti pour échapper à l'asphyxie, put être entièrement sauvé. Les blessés furent ensuite soignés sur le navire hôpital français Canada.

Au total seuls 75 hommes survécurent, dont 5 officiers. 

Avec les blessés morts à l'hôpital, cette tragédie coûta la vie à 648 marins, dont le capitaine Rageot de la Touche qui, sur la passerelle, aurait pu se sauver, mais qui choisit délibérément de se laisser couler avec son bâtiment, le capitaine de frégate commandant en second Jean Autric et le capitaine de frégate Eugène Cosmao Dumanoir, son adjoint chargé de la sécurité.

Ci-dessous, quelques portraits d'officiers morts avec leur bâtiment...

Une partie des officiers du BOUVET



JEAN AUSTIC

DUVILLE



DONEAUD

Médecin CAHUZAC - Albi

BOUTROUX Robert Jacques Gontrand, né le 23 octobre 1879 à LILLE


Malgré la perte du Bouvet, l'escadre britannique resta inconsciente du danger présenté par les mines, croyant que cette perte avait été causée par des torpilles. Deux autres cuirassés britanniques, l'HMS Ocean et l'HMS Irresistible, furent coulés eux aussi par des mines dérivantes.

Une rue de Brest porte aujourd'hui le nom du cuirassé Bouvet. De nombreuses cartes postales, gravures et tableaux relatent l'événement.

Un boulevard de Lorient porte le nom d'Eugène Cosmao Dumanoir, capitaine de frégate, chargé de la sécurité du Bouvet, qui se sacrifia pour faire évacuer le navire au moment du naufrage.

Un monument fut construit à Güzelyali (Turquie)

Un monument fut construit après la guerre. Mais a été démoli et perdu durant le temps. En 2000, les fondations sont retrouvées et on reconstruit un monument semblable à l'original.

Le monument se situe sur une petite plage de la commune de Güzelyali, à quelques 200 m de l'hôtel Iris (sur la droite, face au détroit des Dardanelles). La commune de Güzelyali se situe quant à elle, à 15 km. du centre de Canakkale (Turquie).

Des marins sauvés par leur collègues français ou anglais...

Des marins sauvés par leurs collègues français ou anglais...


Quelques monuments en hommage aux marins disparus :




Les vitraux de l'Eglise de Tréguier (Bretagne)
A ce passionné résidant en Normandie qui a réalisé une maquette de 8 m du BOUVET, je dis : BRAVO !

site de Pierre REINHARD(Evreux)





Pour en savoir plus  :


Parmi les victimes, 22 marins sont issus du Nord Pas de Calais :

le lien : -22 marins du npdc

Un des trois marins originaires de la Sarthe dont un de Sablé sur Sarthe :

le lien :  Georges NAVEAU


17 sont originaires du VAR :   le lien :  article de Var Matin

Le médecin, CAHUZAC, est lui originaire d'Albi : le lien :  La Dépêche du Midi 
(1) Le HMS Dreadnought est un cuirassé anglais lancé en 1906 et d'une conception marquant un tel changement par rapport aux navires de l'époque que les bâtiments construits après lui reprirent ses principes. On parle donc de navires "pré-dreadnought" et de "dreadnought". Parmi les caractéristiques principales on peut citer un armement lourd mono-calibre et une propulsion par turbine à vapeur.)