mardi 5 août 2014

La mobilisation des 4 frères Hureau en août 1914 (récit n°17)




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Louis et Hélène Hureau en 1914
Leurs 4 fils

La livraison du linge tout frais repassé au Château attendra. Bien avant la fin du tocsin, Hélène rentre précipitamment chez elle pour rejoindre Louis, son mari.

La maison de la famille Hureau

Mais celui-ci, alerté par le tintement inhabituel des cloches, est déjà dans la rue. Instinctivement, Hélène, sans un mot, se jette dans ses bras ; il la serre tendrement, l’émotion est trop forte, ils passent le pas de la porte de leur maison.

Hélène s’effondre en larmes, la gorge nouée, elle arrive cependant à questionner Louis : et nos pauvres enfants ! Va-t-on les revoir avant leur départ ?

Louis la rassure mais il sait, hélas, pour avoir lu leur lettre de mobilisation, que cela ne sera pas possible : André est à Toulon, Gaston à Tours, Armand et son ainé Marcel sont tout près du Lude - à Château-du-Loir - mais, ils doivent rejoindre, sans tarder, leur régiment en garnison à Paris.

Le 2ème jour de mobilisation correspond au 3 août...


Les trois frères d’André Hureau n’ont pas eu le choix des armes : le hasard a affecté Armand et Gaston dans l’infanterie, Marcel dans l’artillerie. Pour André, on le sait, sa formation de charpentier l’a tout désigné pour la marine (voir récits n°5 à 7).

Marcel, l’ainé, est âgé de 30 ans quand la guerre éclate : avec ses yeux noirs, son regard assez dur, il en imposait, mais c’était un homme au grand cœur qui avait un sens profond du devoir, d’après les souvenirs de ma mère Réjane, petit-fille d'Hélène.

Marcel

En 1914, installé depuis plusieurs années à son compte comme plombier-zingueur à Château-du-Loir, il est marié à Irénée, et est déjà père du petit Marcel âgé de trois ans.


Irénée et le petit Marcel

Il est depuis 1907 réserviste. Il a devancé l’appel, en 1903 à Toulon, où il se trouvait comme compagnon, alors qu’il n’avait pas terminé son  Tour de France de chaudronnier-ferblantier.
Son souhait : en finir au plus vite avec ses obligations militaires afin de pouvoir s’installer à son compte dès que possible.

Marcel est affecté d’abord dans la 5e compagnie d’ouvriers d’artillerie coloniale puis dans la 8e. Il participe à la campagne du Sénégal en 1905 et 1906. Un certificat de bonne conduite lui est décerné, selon la formule pour bons et loyaux services. Il accomplira une période d’exercices comme réserviste en 1912 à Coëtquidan.




Sa feuille de route le désigne parmi les premiers mobilisés. Il doit se présenter le 3 août (le 2ème jour de la mobilisation), à Charenton pour rejoindre le 3e régiment d’artillerie coloniale avec lequel il partira sur le front, un mois plus tard, le 9 septembre 1914. Durant le conflit, il aura plusieurs fois les pieds gelés, mais il survivra.

Bon pied- bon œil, l’oncle Marcel !


Artillerie coloniale










Armand, le second fils d’Hélène et de Louis, a 28 ans en 1914.  Sitôt son compagnonnage de charpentier terminé, il s’engage pour huit ans à l’âge de dix neuf ans dans l’infanterie coloniale. Dès 1907, il est affecté au corps expéditionnaire envoyé en Chine dans le 16e régiment d’infanterie coloniale.
Armand
Huit ans, c’est long pour des parents, d’autant qu’Armand ne donne pas régulièrement de ses nouvelles. 
Hélène, inquiète de ne pas recevoir de courrier de son fils, le croyant malade, écrit au Colonel de son régiment en février 1910. Plus d’un mois plus tard, c’est le lieutenant Regnault qui lui répond dans une lettre mémorable conservée par Hélène et transmise aux nouvelles générations : Madame, Hureau va vous écrire de suite, je peux vous affirmer qu’il n’a jamais été malade…/…Il a certainement pour vous l’affection qu’un fils doit avoir pour sa mère puisque quand je lui ai adressé des reproches au sujet de sa négligence, les larmes lui sont venues aux yeux.

La réponse du lieutenant Regnault à Mme Hureau


lettre d'Armand à son frère en 1906
Quand Armand est mobilisé, le 1er aout pour rejoindre le 21e régiment d’infanterie coloniale basé à Paris, cela fait à peine huit mois qu’il est rentré de Chine. Son régiment sera en première ligne en Belgique et sur la Marne …(à suivre)
La charge de l'infanterie
Gaston a 26 ans en 14. Comme ses frères, apprenti dès l’âge de 12 ans, il devient ensuite compagnon chaudronnier-ferblantier, il est embauché à Tours, ville où il effectuera toute sa carrière avant et après les deux guerres. Il remplit ses obligations militaires chez les sapeurs-pompiers de Paris, corps oh combien emblématique !
Gaston
Comme ses frères, c’est un homme d’action ; pince-sans rire, selon ma mère, il a toujours une histoire à raconter. Marié à Augustine, que j’ai bien connue, son seul regret est de ne pas avoir eu d’enfant. 
Alors, en tant qu’arrière-petit neveu, je me dois de ne pas laisser dans l’oubli cet aïeul, dont Maman me dit souvent, que mon fils Mathieu et mon neveu Clément ont hérité de son sens de l’humour : jamais les derniers pour amuser la galerie ou organiser la fête.
Il est mobilisé le 3 août 1914 au 117e régiment d’infanterie du Mans. Il sera sur le front dès le 9 août sous les ordres du Colonel Jullien et à partir du 21 août en Belgique… Un mois plus tard il sera blessé …(à suivre)

Le 117e régiment d'infanterie au Mans

Quant à André, affecté sur le Jules Ferry depuis janvier 1914, il est en rade de Toulon sur son croiseur cuirassé quand la mobilisation générale est décrétée. A 21 ans,  il a déjà beaucoup appris et voyagé. Avec, l’Armée navale de Méditerranée, il entame une Royale et nouvelle aventure, dont il ne connait que le début…


André











Pour Louis et Hélène, la douleur et l’angoisse sont immenses. En ce début d’août 1914, ces sentiments sont partagés par des millions de parents européens, qu’ils soient originaires des pays de la Triple-Entente ou des Empires centraux.

Alors que leurs quatre fils sont devenus, grâce à eux, des adultes et des Compagnons accomplis, Hélène et Louis sont confrontés à  la perspective d’un avenir incertain et bien sombre.




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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Blog bien documenté,avec de belles photos, cette histoire-là, celle de André, crée une intimité avec la grande Histoire, Merci, je vais suivre le parcours de cet Homme avec intérêt, Véronique