Mon grand-père, comme je l'ai connu. |
Voici l’image qui illustre bien
mes souvenirs d’enfance :
mon grand-père André, travaillant le bois, légèrement
courbé sur son établi. Bien avant que je m’intéresse à son parcours 14-18, il était, pour moi,
avant tout un menuisier.
J’aimais pousser la porte de son atelier et y découvrir son antre d’artisan. Ces images sont imprégnées des bonnes odeurs de colle à bois et de copeaux fraichement coupés.
Sa dernière caisse à outils |
Son pot de colle et ses rabots |
Ce n'est pas André, mais le geste est le même, le béret et le crayon également. |
Dès son enfance, André bénéficie des cours du soir et de dessin dispensés par le directeur de l’école, Monsieur Crétois. A quatorze ans, en 1907, il est embauché comme apprenti-menuisier dans sa ville natale.
Les artisans
du Lude au XIXe siècle employaient de nombreux compagnons du devoir.
C’est probablement la raison pour laquelle beaucoup de jeunes y entamaient leur
apprentissage au début du XXe siècle encore, malgré la crise du
compagnonnage. André commence son apprentissage au Lude sous la direction de
Monsieur Ridereau. L’atelier est situé sur le bord de la rue Basse. Parfois, en
passant, les anciens camarades de classe, ceux qui ont poursuivi leurs études,
se moquent du tâcheron qui travaille encore le soir, à la lumière d’une lampe à
pétrole.
A 17 ans, il poursuit son
apprentissage sur les bords du Loir chez un artisan menuisier de Château du
Loir, et élit domicile chez son frère aîné Marcel. Les quatre frères sont restés
proches de leurs parents, et les correspondances sont nombreuses : « Chers parents, Deux mots seulement
pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes … Votre fils qui
vous aime. André. Le 22 août 1910 »
carte postale d'André à ses parents, en août 1910 |
En 1911, André part sur le trimard, le tour de France du
compagnonnage à pied. Le voyage doit durer plusieurs années, le temps pour le
jeune aspirant de découvrir des nouvelles techniques, de nouveaux employeurs et
de mûrir jusqu’à pouvoir élaborer son chef d’œuvre. Cette création unique, à la
fois belle et compliquée, lui donnera le statut de compagnon : pour André
se sera un escalier.
André a fière allure ! |
Dans les différentes villes de France, l’accueil
des compagnons n’est plus systématique. Bien souvent, André Hureau, parti avec
un ou deux camarades, doit dormir à la belle étoile !
Dans leur poche, le passeport compagnonnique qui
ne sera brûlé qu’à leur mort : il doit être tamponné dans chaque ville
traversée, auprès de chaque employeur. Sur leur dos, la malle à quatre nœuds, la valise du compagnon : un grand
mouchoir noué par quatre nœuds et passé dans une canne ! La précise caisse
à outils se trouve à l’autre épaule.
Tous les compagnons d’une même corporation se retrouvent chez la mère, une auberge devenue maison
compagnonnique. La mère, c’est aussi
le nom de la patronne des lieux. Elle héberge et nourrit l’aspirant, elle le
conseille :
« J’ai été un peu malade et le soir le lit était bon » (extrait d’une lettre d’André).
« J’ai été un peu malade et le soir le lit était bon » (extrait d’une lettre d’André).
André à Alger |
Le Tour de France d’André Hureau l’amena en Indre et Loire : « En ce moment je fais des stalles d’église, je vous assure que c’est un joli travail, surtout pour la pose » écrit-il à sa famille le 28 août 1911.
Plus tard, il traversa la Méditerranée et découvrit l’Algérie :
« Tu
vois cette poste ? Et bien ces grandes portes, c’est nous qui les avons conçues et installées ! ».
Bien des années plus tard, alors
qu’il était au cinéma avec ma grand-mère, il reconnut aux actualités les portes
monumentales de la poste d’Alger.
la poste d'Alger, on devine les grandes portes en bois au fond de l'entrée |
André avec l'ensemble des compagnons (debout à gauche, les bras croisés avec melon et moustaches) ---------------------------------------------------------------
Pour en savoir + sur le compagnonnage : http://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnonnage
A noter : il existe en France plusieurs musées sur le
thème du compagnonnage :
• Musée - Librairie du Compagnonnage, 10 rue Mabillon à Paris • La Maison des Compagnons à Arras • Le Musée des Compagnons du Tour de France à Bordeaux • Le Musée du compagnonnage à Tours : http://www.museecompagnonnage.fr/ • La Cité des métiers et des arts à Limoges |