Le Jules Ferry quitte le lac de Bizerte |
Ce jour là, le Jules Ferry lève l’ancre de la
Baie Ponty et s’éloigne lentement des côtes
de la Tunisie,
il fait route vers Toulon où il est attendu pour des manœuvres de toute l’armée
navale de Méditerranée. Sur sa route, il fait étape au sud de la Corse à Porto-Vecchio où il
doit embarquer un officier supérieur, le lieutenant de Vaisseau ADRIEN, un
nouveau Lieu de Veau (argot marin) qui change
d’affectation. Dans moins d’un mois c’est d’un nouveau commandant qu’il
héritera.
Pour l’Etat major de la Royale,
le mois de juillet doit être consacré à des manœuvres et à la remise en état
des bâtiments.
Le vendredi 26 juin, après un
mouillage en baie de Saint-Raphaël, le Jules
appareille en compagnie de ses deux complices de la seconde escadre de la Méditerranée, le Léon Gambetta et le Victor
Hugo.
Les bâtiments de escadres en ligne de file |
Ensemble, ils rejoignent en ligne de file les escadres emmenées par la Patrie et le
Danton et l'escadre du Courbet battant
pavillon de l’Amiral.
« L’armée navale
concentrée à Toulon fait une démonstration de force au large de Hyères.
Y participent les cuirassés d’escadre, croiseurs cuirassés et torpilleurs qui naviguent, à 400 m l’un de l’autre, et parfois moins encore ».
Y participent les cuirassés d’escadre, croiseurs cuirassés et torpilleurs qui naviguent, à 400 m l’un de l’autre, et parfois moins encore ».
Puis, après l’effort vient le
temps du réconfort et du repos du dimanche …
En juin, il fait chaud à bord du Jules Ferry, on a pris la peine d'installer des tentes |
A bord du Jules Ferry comme dans la plupart des navires de guerre, le dimanche 28 juin 1914 à 12H30, un seul cri retentit : « équipage aux sacs, les jeux sont permis ».
Par chance, André n’est pas de quart de
coupée ou de passerelle, il va profiter de ces quelques
heures de loisirs.
Durant ce temps mort certains marins relisent pour
la énième fois des lettres de famille, d’autres écrivent à leur bien-aimée,
d’autres encore reprisent un tricot usagé.
Mais, tradition
oblige, sur le pont avant se sont regroupés les adeptes du loto.
Le jeu de loto, tradition du dimanche à bord - référence (1) |
Chacun a
disposé son carton sur le sol. Des haricots de la cambuse feront offices de
jetons. Ce jour-là, on a confié la responsabilité du tirage au sort à un gars de
Ploudalmézeau. Après avoir secoué énergiquement le sac, Adam - le breton Brestois -, proclame
à haute et intelligible voix le numéro tiré au sort …
Chaque marin chanceux fait l’objet d’un calembour par ses camarades : tantôt on ironise sur son origine géographique, tantôt sur son service d’affectation. Ces plaisanteries ne sont pas des plus fines, mais elles ont le mérite d’amuser la galerie et d’égayer tout le pont.
Le loto vu par Gervèse |
Chaque marin chanceux fait l’objet d’un calembour par ses camarades : tantôt on ironise sur son origine géographique, tantôt sur son service d’affectation. Ces plaisanteries ne sont pas des plus fines, mais elles ont le mérite d’amuser la galerie et d’égayer tout le pont.
Pour André pas de loto, le dimanche, il trute !
André, un peu en retrait sur le pont arrière, n’entant
pas fuser ces calembours, il s’affaire à un autre jeu.
En compagnie de trois de ses copains sarthois et malgré l’interdiction des jeux d‘argent, André s’adonne au TRUT (2).
C’est un jeu de cartes, parfois surnommé le poker du pauvre, très populaire dans la Sarthe, les Deux-Sèvres ou le Maine-et-Loire, qui consiste à ramasser des plis et sept jetons, baptisés truts. On joue à deux ou à quatre et on trute, parfois en tapant du poing sur la table, quand on se pense capable de ramasser une manche. Les meilleurs sont ceux qui savent pousser une môle, c’est-à-dire bluffer.
En compagnie de trois de ses copains sarthois et malgré l’interdiction des jeux d‘argent, André s’adonne au TRUT (2).
C’est un jeu de cartes, parfois surnommé le poker du pauvre, très populaire dans la Sarthe, les Deux-Sèvres ou le Maine-et-Loire, qui consiste à ramasser des plis et sept jetons, baptisés truts. On joue à deux ou à quatre et on trute, parfois en tapant du poing sur la table, quand on se pense capable de ramasser une manche. Les meilleurs sont ceux qui savent pousser une môle, c’est-à-dire bluffer.
Une partie de carte : belote ou trut ? - référence (1) |
Il y a toute une série d’expressions liées à ce jeu : c'est tout pourri ou tout paté (au troisième pli pourri consécutif), le terrain est gras pour tout le monde (quand quelqu'un se plaint de son jeu), …
La partie de Trut : peinture du sarthois Théodore Boulard |
Tout pourri, comme cet évènement qui se déroulait à Sarajevo, ce même dimanche 28 juin 1914, beaucoup plus à l’Est, à 10h30 !
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(1) : photos de cartes postales extraites de l’excellent livre d'Etienne Devailly : "Il y a un siècle ... marins et matelots" - édition Ouest France - mai 2007.
Etienne
Devailly a sorti un second album : « Drôle
de Marine, fière de Marine ».
(2) : Le TRUT : en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trut
« Le Trut est assez simple à jouer bien qu’il requière quelques tactiques de jeu car le joueur peut librement gérer son jeu. Il n’a aucune obligation ni de fournir la couleur d’entame ni de surmonter la dernière carte jouée. Ce qui fait qu’un joueur peut très bien bluffer son adversaire en jouant une carte plus basse que ce qu’a jetée l’autre. C’est pourquoi on dit parfois que le Trut est un jeu de menteur car les joueurs ne sont pas toujours obligés de montrer leur jeu. »
« Le Trut est assez simple à jouer bien qu’il requière quelques tactiques de jeu car le joueur peut librement gérer son jeu. Il n’a aucune obligation ni de fournir la couleur d’entame ni de surmonter la dernière carte jouée. Ce qui fait qu’un joueur peut très bien bluffer son adversaire en jouant une carte plus basse que ce qu’a jetée l’autre. C’est pourquoi on dit parfois que le Trut est un jeu de menteur car les joueurs ne sont pas toujours obligés de montrer leur jeu. »