« Cette première nuit sur un bateau chamboula ma conception du
sommeil pour toujours. Dans cette coquille d’insomnie, ce n’est pas que je
dormis mal, je dormis éveillé dans le rêve de quelqu’un qui dorlote un fantôme
de cuirassé dans son hamac. Revenu de Brest, je mis du temps à me réhabituer
dans un lit. Le hamac était un bateau dans un bateau.»
Yann Queffélec – Dictionnaire de la Bretagne – 2013.
Les apprentis marins couchés dans leurs "branles" avec araignées |
Ces lits suspendus se composent
d’un double fond en toile à voile muni d’œillets à chaque extrémité, à
l’intérieur on y glisse un matelas de laine et de crin ; les allergiques
et les chatouilleux s’abstenir.
Je cite un extrait du Manuel des recrues page 33, appréciez
le vocabulaire et la description minutieuse de l’auteur : «deux organeaux sur chacun desquels sont bagués par le milieu neufs
bouts de ligne formant les araignées. Un des deux organeaux porter en outre un
raban ; c’est celui que l’on met du côté des pieds ; chaque bout des
araignées doit être terminé par un œil, épissé de façon à ce que la longueur
diminue du milieu aux bords. Tous les brins de l’araignée doivent ainsi forcer
l’ensemble.» Et pour passer une bonne nuit à
l’abri du froid de l’air marin, on y ajoute «une
ou deux couverture de laine suivant la saison.»
Sur les étagères, des espèces de "meule de fromage" : le sac |
remarquez ces baluchons en forme de meule de fromage posés sur des étagères au-dessus des têtes des marins.
Pliage et arrimage des effets : faux plis interdits !
Dans sa chambrée de Brest, André Hureau s’entraine, maintes et maintes fois, à faire son paquetage. Sa théorie y consacre plusieurs pages, dessin à l’appui.
Inspection des sacs : ça ne rigole pas ! (doc marius-bar) |
C’est qu’il faut de la méthode pour ranger dans cette pièce de toile à enrouler sur elle-même tous les effets réglementaires du soldat ! Ceux-ci doivent être brossés soigneusement et retournés à l’envers avant d’être pliés, puis classés par catégorie et paquetés dans des serviettes. Après de nombreuses remontrances, André a appris à être prévoyant : à l’entrée de son grand sac il a placé un paquet contenant un rechange complet (tricot, chemise, vareuse et pantalon de fatigue) et un autre avec sa tenue d’inspection et de terre.
Extrait du livret de solde d'André : total dette de 163,70 fr |
Que trouve-t-on dans ce sac ?
Vareuse en molleton bleu |
André et sa tenue |
Il y a bien sûr, les vêtements : vareuses en molleton bleu, paletots, pantalons de toile blanche, de chauffe (bleu), de fatigue (rousse), et de drap, tricots de laine "Jersey" et chemises, caleçons, chaussettes et demi-bas, vestes de chauffe, cols amovibles, voire chapeau de paille et casque en liège pour les contrées chaudes uniquement.
Les brodequins du marin |
Le pantalon |
Les brodequins et les coiffes sont placés sur les côtés, de part et d’autre du sac.
Le col amovible vu de dos |
Le marquage des effets !
Chaque objet et chaque vêtement sont
marqués du numéro matricule de son
propriétaire (105960 pour André), suivi
du chiffre indicatif de son dépôt (2
pour Brest).
Ce numéro doit être imprimé au moyen d’une plaque de marquage délivrée à chaque apprenti. André s’est servi
pour cela d’un tampon ou d’une
brosse imprégnée d’une encre noire
indélébile et non corrosive ou
de peinture blanche sur les effets de drap. Pour les souliers, les brosses et
les ustensiles de cuisine, il a utilisé un
poinçon en acier donnant des caractères de 6 mm de hauteur, et pas un mm de
plus. L'emplacement de ce marquage relève
également d’une précision toute militaire, l’improvisation est inimaginable, et
gare au contrevenant : «le paletot : entre les épaules, à hauteur
du milieu de l'emmanchure ; serviettes de propreté : dans le coin supérieur à
gauche, au-dessus de la raie rouge horizontale ; les brodequins : en
dedans et sur le côté droit de la tige».
numéro matricule d'André |
Illustration de la disposition des effets avant pliage dans le sac (extrait du manuel d'André) |
Extrait du manuel des recrues
On ne rigole pas dans "La 5ème Bis Compagnie" !
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(1) le Hamac, surnommé « branle » http://fr.wikipedia.org/wiki/Hamac#Dans_la_marine
Après leur découverte par la flotte de
Christophe Colomb en 1492, les Espagnols ont
introduit l'usage des hamacs à bord des navires1. Le hamac, surnommé « branle »,
permettait aux matelots
de dormir dans un certain calme, une partie des mouvements des navires étant
absorbée par les cordages (les "araignées") qui le suspendaient. Ils
étaient partagés entre chaque bordée d'une demi-journée chaque (les tribordais et les
bâbordais),
les uns laissant leurs places aux autres pour se reposer et réciproquement. De
plus, pliés serrés et rangés sur le pavois
des bateaux de guerre, ils contribuaient à se protéger des projectiles lors des
attaques ennemies (d'où l'expression, « branle-bas de combat »).
Dans la marine nationale française les
hamacs ont définitivement été remplacés par les couchettes
au début des années 1970. Les couchettes étant en place à demeure, les repas ne
pouvaient plus être pris dans les postes d'équipage et les bâtiments furent
équipés de cafétérias ou de salles à manger. Le passage à la rampe et le plateau
alvéolé avaient remplacé le
plat de huit, la gamelle
et le bidon.
(2) L’histoire des uniformes des marins de la Royale :
En 1895, le jersey est imposé en
guise de veste, tandis qu’en 1901, le bonnet cesse d’être en laine et est
confectionné en drap bleu foncé. La circulaire du 12 mai 1911 précise que la
chemise de toile blanche avec collet bleu est remplacée par un col amovible de
45 cm de largeur au tombant est et de 25 cm à l’encolure et le bonnet a pris sa
forme définitive.
L’apport de La chemise en coton
(marinière) fut une véritable innovation moderne : elle se composait de
fils écrus et de fils teints à l’indigo formant des raies alternatives blanches
et bleues, respectivement de 20 mn et de 10 mn. Son aspect n’a pas changé
depuis
(3) la Brosse à dents devient obligatoire en 1876
avec brossage au moins une fois par semaine !