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Louis et Hélène Hureau en 1914 |
Leurs 4 fils |
La livraison du linge tout frais repassé au Château attendra. Bien avant la fin du tocsin, Hélène rentre précipitamment chez elle pour rejoindre Louis, son mari.
La maison de la famille Hureau |
Mais celui-ci, alerté par le tintement inhabituel des cloches, est déjà dans la rue. Instinctivement, Hélène, sans un mot, se jette dans ses bras ; il la serre tendrement, l’émotion est trop forte, ils passent le pas de la porte de leur maison.
Hélène s’effondre en larmes, la gorge nouée, elle arrive cependant à questionner Louis : et nos pauvres enfants ! Va-t-on les revoir avant leur départ ?
Louis la rassure mais il sait, hélas, pour avoir lu leur lettre de mobilisation, que cela ne sera pas possible : André est à Toulon, Gaston à Tours, Armand et son ainé Marcel sont tout près du Lude - à Château-du-Loir - mais, ils doivent rejoindre, sans tarder, leur régiment en garnison à Paris.
Le 2ème jour de mobilisation correspond au 3 août... |
Les trois frères d’André Hureau n’ont pas eu le choix des armes : le hasard a affecté Armand et Gaston dans l’infanterie, Marcel dans l’artillerie. Pour André, on le sait, sa formation de charpentier l’a tout désigné pour la marine (voir récits n°5 à 7).
Marcel, l’ainé, est âgé de 30 ans quand la guerre éclate : avec ses yeux noirs, son regard assez dur, il en imposait, mais c’était un homme au grand cœur qui avait un sens profond du devoir, d’après les souvenirs de ma mère Réjane, petit-fille d'Hélène.
Marcel |
En 1914, installé depuis plusieurs années à son compte comme plombier-zingueur à Château-du-Loir, il est marié à Irénée, et est déjà père du petit Marcel âgé de trois ans.
Irénée et le petit Marcel |
Il est depuis 1907 réserviste. Il a devancé l’appel, en 1903 à Toulon, où il se trouvait comme compagnon, alors qu’il n’avait pas terminé son Tour de France de chaudronnier-ferblantier.
Son souhait : en finir au plus vite avec ses obligations militaires afin de pouvoir s’installer à son compte dès que possible.
Marcel est affecté d’abord dans la 5e compagnie d’ouvriers d’artillerie coloniale puis dans la 8e. Il participe à la campagne du Sénégal en 1905 et 1906. Un certificat de bonne conduite lui est décerné, selon la formule pour bons et loyaux services. Il accomplira une période d’exercices comme réserviste en 1912 à Coëtquidan.
Sa feuille de route le désigne parmi les premiers mobilisés. Il doit se présenter le 3 août (le 2ème jour de la mobilisation), à Charenton pour rejoindre le 3e régiment d’artillerie coloniale avec lequel il partira sur le front, un mois plus tard, le 9 septembre 1914. Durant le conflit, il aura plusieurs fois les pieds gelés, mais il survivra.
Bon pied- bon œil, l’oncle Marcel !
Artillerie coloniale |
Armand, le second fils d’Hélène
et de Louis, a 28 ans en 1914. Sitôt son
compagnonnage de charpentier terminé, il s’engage pour huit ans à l’âge de dix neuf ans dans l’infanterie
coloniale. Dès 1907, il est affecté au corps expéditionnaire envoyé en Chine
dans le 16e régiment d’infanterie
coloniale.
Armand |
Huit ans, c’est long pour des parents, d’autant qu’Armand ne donne pas
régulièrement de ses nouvelles.
Hélène, inquiète de ne pas recevoir de courrier
de son fils, le croyant malade, écrit au Colonel de son régiment en février
1910. Plus d’un mois plus tard, c’est le lieutenant Regnault qui lui répond dans
une lettre mémorable conservée par Hélène et transmise aux nouvelles
générations : Madame, Hureau va vous
écrire de suite, je peux vous affirmer qu’il n’a jamais été malade…/…Il a
certainement pour vous l’affection qu’un fils doit avoir pour sa mère puisque
quand je lui ai adressé des reproches au sujet de sa négligence, les larmes lui
sont venues aux yeux.
Quand Armand est mobilisé, le 1er aout pour rejoindre le 21e
régiment d’infanterie coloniale basé à Paris, cela fait à peine huit mois qu’il
est rentré de Chine. Son régiment sera en première ligne en Belgique et sur la Marne …(à suivre)
La charge de l'infanterie |
Gaston a 26 ans en 14. Comme ses frères, apprenti dès l’âge de 12 ans,
il devient ensuite compagnon chaudronnier-ferblantier, il est embauché à Tours, ville où il
effectuera toute sa carrière avant et après les deux guerres. Il remplit ses
obligations militaires chez les sapeurs-pompiers de Paris, corps oh combien
emblématique !
Gaston |
Comme ses frères, c’est un homme d’action ; pince-sans
rire, selon ma mère, il a toujours une histoire à raconter. Marié à Augustine,
que j’ai bien connue, son seul regret est de ne pas avoir eu d’enfant.
Alors, en
tant qu’arrière-petit neveu, je me dois de ne pas laisser dans l’oubli cet
aïeul, dont Maman me dit souvent, que mon fils Mathieu et mon neveu Clément ont
hérité de son sens de l’humour : jamais les derniers pour
amuser la galerie ou organiser la fête.
Il est mobilisé le 3 août 1914 au 117e
régiment d’infanterie du Mans. Il sera sur le front dès le 9 août sous les
ordres du Colonel Jullien et à partir du 21 août en Belgique… Un mois plus tard
il sera blessé …(à suivre)
Le 117e régiment d'infanterie au Mans |
Quant à André,
affecté sur le Jules Ferry depuis
janvier 1914, il est en rade de Toulon sur son croiseur cuirassé quand la
mobilisation générale est décrétée. A 21 ans,
il a déjà beaucoup appris et voyagé. Avec, l’Armée navale de
Méditerranée, il entame une Royale et
nouvelle aventure, dont il ne connait que le début…
André |
Pour Louis et Hélène, la douleur et l’angoisse sont immenses. En ce début d’août 1914, ces sentiments sont partagés par des millions de parents européens, qu’ils soient originaires des pays de la Triple-Entente ou des Empires centraux.
Alors que leurs quatre fils sont
devenus, grâce à eux, des adultes et des Compagnons
accomplis, Hélène et Louis sont confrontés à
la perspective d’un avenir incertain et bien sombre.
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